Adapter le théâtre au cinéma

Études littéraires, vol. 45, 3 / 2014
sous la direction de Esther Pelletier et Irène Roy (Université Laval)

Si l’on a longuement disserté sur le passage du littéraire au cinématographique en parlant du roman et de la nouvelle, qu’en est-il exactement du passage du théâtre au cinéma, phénomène ancré dans la cinématographie récente et dont on a, pourtant, beaucoup moins traité? Avec pour objectif de mieux comprendre les processus d’appropriation et de recréation caractéristiques de l’adaptation de procédés théâtraux au cinéma, ce dossier d’Études littéraires dévoile toute la diversité des rapports entre les arts théâtral et cinématographique.
Mettant à profit un riche cadre théorique et conceptuel, les études composant ce dossier se donnent pour aire d’analyse une belle variété de films et de genres cinématographiques: L’Esquive d’Abdellatif Kechiche, dont le processus de scénarisation s’inspire d’une pièce de Marivaux; les films que Jean Cocteau a produits à partir de ses propres pièces de théâtre; Opening Night de John Cassavetes, qui «remédiatise» le fait dramatique; le cinéma de Marguerite Duras, en particulier L’Éden Cinéma, considéré dans le contexte de l’adaptation filmique et plus spécifiquement de la réécriture; Ran d’Akira Kurosawa, qui n’est pas qu’une simple traduction transculturelle de la pièce King Lear de Shakespeare; la comédie romantique américaine des années 1940, qui poursuit la tradition théâtrale tout en rompant avec elle; Dogville de Lars von Trier, qui en appelle au genre théâtral sur le plan de la représentation spatio-temporelle et de l’intrigue; les comédies théâtrales Cuisines et dépendances et Un air de famille d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri, dont l’adaptation au cinéma fait intervenir une dramaturgie particulière; et enfin, Le Soulier de satin de Manoel de Oliveira, qui reprend la pièce pareillement intitulée de Paul Claudel, en gardant bien visibles les artifices et les conventions propres à l’art dramatique.
Transportant le lecteur dans des univers théâtraux et cinématographiques diversifiés, cette nouvelle parution d’Études littéraires nous montre l’adaptation cinématographique comme un mode d’interprétation et un moteur de création.